Le Old Money, c'est quoi exactement ?
Bon, alors le "old money"... Tout le monde en parle sur les réseaux mais franchement, la plupart du temps c'est juste pour vendre des blazers à 200 balles ou des bérets "vintage" made in China.
Le vrai old money, c'est pas un hashtag Instagram. C'est cette bourgeoisie qui a hérité de son fric depuis belle lurette et qui le montre... en ne le montrant pas. Contradictoire ? Bienvenue dans ce monde-là.
D'où ça vient tout ce bordel ?
Le terme vient des États-Unis du 19ème siècle. À l'époque, t'avais les familles établies depuis longtemps d'un côté (les Astor, les Adams, les Cabot...), et de l'autre les nouveaux millionnaires du pétrole, du chemin de fer et de l'industrie.
Les Vanderbilt par exemple ? Cornelius avait beau être l'homme le plus riche d'Amérique, il était snobé par l'élite de New York. Sa fortune venait du transport maritime puis du rail - autant dire que ça puait encore la sueur ouvrière aux narines délicates de la haute société bostonienne.
Sa belle-fille Alva a dû organiser un bal à 3 millions de dollars (en dollars de 1883, hein) pour forcer l'acceptation sociale de la famille. Même Mrs. Astor, la reine incontestée de la société new-yorkaise, a fini par plier. Mais l'effort était visible, et c'était déjà trop.
En Europe, c'était encore autre chose. Le old money européen, c'est carrément la noblesse avec ses châteaux qui tombent en ruine, ses titres qui se transmettent depuis le Moyen Âge, et cette morgue héritée de siècles de domination féodale.
Ma tante qui habite près de Londres (elle bosse dans l'immobilier de luxe) m'a raconté qu'elle avait visité le château d'une comtesse qui lui expliquait qu'ils n'avaient "plus vraiment les moyens d'entretenir". Sauf que "plus vraiment les moyens" c'était quand même un domaine de 150 hectares, une bibliothèque avec des manuscrits du 15ème siècle, et trois domestiques à plein temps. Perspective, tout ça.
L'art de la discrétion (ou comment péter plus haut que son cul sans en avoir l'air)
Ce qui rend le old money fascinant, c'est cette capacité à posséder des fortunes colossales tout en cultivant une image de sobriété. C'est un exercice d'équilibre permanent.
Pendant que les nouveaux riches se baladent en Lamborghini jaune fluo avec des Rolex Daytona au poignet, eux roulent dans une Mercedes Classe S noire de 2015, impeccablement entretenue. Le pull en cachemire a 10 ans mais il vient de chez Loro Piana. Les mocassins coûtent 2000 euros mais c'est du John Lobb fait main - une marque que personne ne connaît en dehors du cercle.
C'est tout un système de codes. Tu reconnais les tiens sans avoir besoin de parler prix. Le sac à main ? Un Hermès Kelly vintage hérité de maman. La montre ? Une Patek Philippe des années 70, discrete mais qui vaut plus que ta voiture.
Les prénoms aussi, ça compte. Difficile de faire du old money authentique quand tu t'appelles Dylan-Kévin ou Kimberley-Maeva. Eux c'est Victoire, Amaury, Blanche, Thibault... Des prénoms qui sentent bon les faire-part de naissance en papier vergé.
Et puis il y a les adresses. Pas question d'habiter dans une tour moderne de Courbevoie, même si c'est plus grand et plus confortable. Non, c'est le 7ème arrondissement de Paris, Neuilly-sur-Seine, le 16ème à la limite. À Londres, c'est Kensington, Chelsea, ou Belgravia. À New York, Upper East Side exclusivement.
L'éducation : l'investissement de toute une vie
Dans le milieu old money, l'éducation c'est sacré. Mais pas n'importe laquelle.
Les gosses vont dans la même école privée que papa et grand-papa. En France, c'est souvent Sainte-Marie de Neuilly, l'École alsacienne, ou Stanislas. En Angleterre, Eton, Harrow, Winchester. Aux États-Unis, Phillips Exeter, Groton, ou St. Paul's.
Ces écoles coûtent une fortune (jusqu'à 50 000 dollars par an en pension aux USA), mais le prix c'est pas le plus important. C'est le réseau qui compte. Ton fils de 8 ans déjeune à côté du futur PDG de L'Oréal et joue au foot avec le petit-fils d'un ministre.
Les vacances aussi, c'est codifié. Pas question de partir en Thaïlande comme tout le monde. C'est la maison de famille en Normandie depuis quatre générations, les cousins anglais dans leur cottage des Cotswolds, ou la propriété familiale dans les Hamptons transmise par arrière-grand-mère.
L'université ? Oxford, Cambridge, Harvard, Yale, Sciences Po... Pas vraiment pour le diplôme (même si c'est un plus), mais pour consolider le réseau. Tu y rencontres tes futurs associés, ta future épouse (qui vient du même milieu, évidemment), tes futurs clients.
Mon pote Thomas, élevé dans ce milieu (son père est dans la banque privée depuis trois générations), m'avait sorti un jour : "Chez nous, la première question dans un dîner c'est pas 'tu fais quoi dans la vie ?' mais 'qu'est-ce que tu lis en ce moment ?' ou 'où as-tu fait tes études ?'"
Ça résume bien l'état d'esprit. L'argent, on n'en parle pas - c'est vulgaire. On parle culture, littérature, art. Même si derrière, tout le monde sait exactement qui possède quoi.
Les métiers "acceptables"
Dans le old money, tous les boulots ne se valent pas. Même richissime.
Acceptable : banquier d'affaires (dans une banque ancienne, pas une startup fintech), avocat (dans un cabinet prestigieux), diplomate, rentier, propriétaire terrien, galeriste d'art, éditeur, homme politique.
Limite acceptable : chef d'entreprise (si l'entreprise familiale existe depuis au moins deux générations), médecin (spécialiste uniquement), architecte (pour les monuments historiques de préférence).
Pas acceptable : tout ce qui touche au commerce de détail, à l'industrie "sale", à la technologie récente, au divertissement... Même si ça rapporte des milliards.
Bernard Arnault par exemple ? Un des hommes les plus riches de France, empire du luxe, mais dans certains cercles il reste le "marchand de sacs à main". Cruel, mais c'est comme ça.
Le style old money : décryptage
Maintenant parlons fringues, puisque c'est ça qui fait buzzer sur TikTok.
Le style old money masculin, c'est assez simple en apparence : blazer marine, chemise blanche ou bleue, pantalon chino beige, mocassins en cuir. Pas de logos visibles, couleurs neutres, coupes classiques.
Mais attention aux détails qui tuent. Le blazer ? Pas du Hugo Boss acheté aux Galeries Lafayette. C'est du sur-mesure chez Anderson & Sheppard à Londres, ou au minimum du Charvet à Paris. La chemise ? Hilditch & Key ou Turnbull & Asser. Les chaussures ? Church's, Crockett & Jones, ou mieux encore du bespoke chez John Lobb.
Pour les femmes, c'est plus subtil. Jupe plissée ou pantalon cigarette, chemisier en soie, pull en cachemire, ballerines ou mocassins. Bijoux discrets (souvent des héritages familiaux), sac à main de qualité mais pas tape-à-l'œil.
L'erreur classique des nouveaux riches ? Acheter du Hermès de partout en pensant que ça fait old money. Sauf que porter un sac Kelly, une ceinture H, un foulard et des mocassins de la même marque en même temps, ça crie "nouveau riche" à des kilomètres.
Les loisirs et les habitudes
Le old money a ses loisirs attitrés. Tennis (Wimbledon, Roland-Garros), golf (dans des clubs privés centenaires), équitation (concours hippiques, polo), voile (régates classiques), ski (Courchevel, Saint-Moritz, mais pas Val Thorens).
Les voyages aussi sont codifiés. On ne va pas à Ibiza ou à Mykonos comme le tout-venant. C'est plutôt les îles grecques confidentielles, la Toscane (dans la villa familiale), les châteaux de la Loire, l'Écosse pour la chasse...
La culture ? Opéra (avec ses places de saison), théâtre (les premières uniquement), expositions (vernissages privés), concerts de musique classique. On évite soigneusement tout ce qui est populaire ou mainstream.
Même la nourriture suit des règles. Dans les réceptions old money, pas de caviar ostentatoire ou de champagne Cristal. C'est plus subtil : des produits de très grande qualité servis simplement. Le caviar, oui, mais pas étalé sur des blinis dorés. Le champagne, bien sûr, mais plutôt un Dom Pérignon millésimé servi discrètement qu'un Armand de Brignac exposé comme un trophée.
Le retour en force sur les réseaux sociaux
Et maintenant, tous les ados de 16 ans veulent ressembler à ça. TikTok et Instagram débordent de contenus "old money aesthetic". Blazer marine, pantalon beige, polo Ralph Lauren (mais avec le logo bien visible - erreur fatale), tennis blanches.
L'ironie de la situation ? Ces gamins copient l'esthétique d'une classe sociale qui les méprise probablement et qui, surtout, ne serait jamais sur TikTok pour étaler sa vie privée.
Le vrai old money, il poste pas de photos de ses vacances aux Hamptons ou de son brunch au country club. Il a horreur de l'exposition. Sa richesse, il la vit, il l'assume, mais il ne la montre pas.
Un exemple parfait : les vrais héritiers des grandes fortunes américaines (les descendants des Rockefeller, des Ford, des Du Pont...) sont quasi invisibles sur les réseaux. Leurs comptes Instagram sont privés avec 200 abonnés triés sur le volet.
Quelques exemples concrets
Pour mieux comprendre, prenons quelques exemples français contemporains.
Les Peugeot : famille industrielle ancienne, fortune discrète, engagements culturels et caritatifs, éducation soignée. Typique du old money français moderne.
Les Hermès : empire du luxe mais famille très discrète, fortune colossale mais mode de vie sobre, mécénat artistique. Ils ont réussi le passage du "nouveau riche" au "vieil argent".
À l'inverse, certains nouveaux milliardaires français, même richissimes, restent perçus comme "nouveau riche" : trop d'exposition médiatique, lifestyle trop voyant, origines trop récentes.
En Angleterre, regarde la différence entre la famille royale (old money ultime) et les stars de la télé-réalité devenues riches. Même avec des millions, ces dernières n'auront jamais la légitimité sociale des premiers.
Les dark sides du old money
Bon, faut pas se leurrer. Derrière cette élégance se cache souvent un conservatisme de classe pas très ragoûtant.
Le old money, c'est aussi l'entre-soi le plus fermé qui soit. Les mariages se font dans le même milieu (pour préserver les patrimoines), les amitiés sont héréditaires, l'ouverture sociale est limitée.
Historiquement, ces familles ont souvent bâti leurs fortunes sur des bases peu reluisantes : esclavage, colonialisme, exploitation ouvrière... Difficile de faire l'impasse sur ces aspects quand on parle de "noblesse" héritée.
Et puis il y a ce mépris latent pour tout ce qui ne vient pas de leur monde. Le self-made man qui a bossé 80 heures par semaine pour réussir ? "Nouveau riche", donc un peu vulgaire. L'artiste qui perce ? "Amusant", mais pas tout à fait des nôtres.
L'obsession contemporaine pour le old money
Mais alors, pourquoi cette fascination actuelle pour un monde aussi fermé ?
D'abord, le timing. On vit une époque d'hyper-consommation, de bling-bling permanent, d'influenceurs qui étalent leurs Rolex sur Snapchat. Dans ce contexte, la discrétion du old money fait figure d'oasis de raffinement.
Ensuite, l'aspiration sociale. Le old money représente une forme de réussite ultime : avoir tellement d'argent qu'on n'a plus besoin de le prouver. C'est l'antithèse parfaite du "nouveau riche" qui compense ses complexes à coups de symboles ostentatoires.
Et puis il y a cette promesse d'éternité. Dans un monde qui change à vitesse folle, le old money incarne la stabilité, la permanence, les valeurs qui traversent les siècles.
Fitzgerald l'avait parfaitement cerné dans Gatsby le Magnifique : Jay peut organiser les plus belles fêtes de Long Island, posséder la plus belle villa, porter les plus beaux costumes, il ne sera jamais accepté par Tom et Daisy Buchanan. Son argent est trop neuf, trop voyant, trop désespéré.
Cette tension entre argent ancien et argent nouveau continue de nourrir l'imaginaire collectif un siècle plus tard.
Peut-on vraiment "devenir" old money ?
C'est LA question qui obsède tous ceux qui découvrent cet univers.
Techniquement, oui. Enfin, tes arrière-petits-enfants pourront peut-être prétendre au statut. Le old money, par définition, ça prend du temps. Beaucoup de temps.
Tu peux adopter les codes vestimentaires (en y mettant le prix - compte 10 000 euros minimum pour une garde-robe masculine basique old money authentique). Tu peux apprendre les références culturelles, fréquenter les bons endroits, envoyer tes enfants dans les bonnes écoles.
Mais il manquera toujours cette désinvolture naturelle qui vient de générations de privilèges. Cette assurance innée. Cette capacité à ne jamais douter de sa légitimité sociale.
Un détail qui ne trompe pas : l'attitude face à l'argent. Le vrai old money ne compte pas. Pas parce qu'il en a trop (même si c'est souvent le cas), mais parce qu'il a été éduqué à considérer que parler argent, c'est vulgaire. Point final.
Le nouveau riche, même éduqué, aura toujours ce petit réflexe de vérifier le prix, de comparer, de calculer. C'est imperceptible, mais ça se voit.
Les versions modernes du old money
Le old money évolue aussi. Les nouvelles générations gardent les codes de base mais les adaptent à l'époque contemporaine.
Les jeunes héritiers de grandes familles s'engagent souvent dans l'écologie, les causes humanitaires, l'art contemporain. Ils gardent la discrétion familiale mais embrassent des valeurs plus progressistes que leurs parents.
Certains créent des fondations, d'autres reprennent les entreprises familiales en les modernisant, quelques-uns deviennent artistes ou écrivains (avec le filet de sécurité financier qui permet de prendre ces risques).
Mais attention à ne pas confondre avec les "éco-bobos" du 16ème arrondissement qui roulent en Tesla et mangent bio. Le vrai old money moderne, c'est plus subtil : engagements discrets mais efficaces, mécénat intelligent, influence en coulisses plutôt qu'exposition médiatique.
Conclusion (ou pas)
Le old money fascine parce qu'il représente tout ce que notre époque semble avoir perdu : la mesure, la discrétion, l'élégance sans effort, la culture transmise.
Mais gare aux illusions romantiques. Derrière cette esthétique séduisante se cache une réalité sociale souvent cruelle : l'entre-soi, l'exclusion, le mépris de classe, les privilèges héréditaires.
Alors oui, c'est beau un blazer en tweed et des mocassins en cuir patinés. Mais méfie-toi des idées qui vont avec. Le old money, c'est un monde fascinant à observer. De l'extérieur.
Et si vraiment l'envie te prend d'imiter, commence par l'essentiel : achète moins, mais mieux. Lis plus que tu ne scrolles. Cultive ta curiosité plutôt que ton nombre d'abonnés. Au final, c'est peut-être ça, la vraie leçon du old money : avoir un peu de tenue dans un monde qui en manque cruellement.